Un jour, un projet : Cardboard Cathedral par Shigeru Ban

Projet-Chirstchurch-Catastrophe-Résilience-Photographie de la façade
Photographie de Bridgit Anderson

Aujourd’hui, c’est un « Un jour, un projet » un peu spécial ! En effet, mon actualité m’a donné l’occasion de replonger dans mes souvenirs, lors de ma découverte des problématiques de post-urgence en Nouvelle-Zélande. Nous partons donc à l’autre bout de la planète, dans la ville Christchurch sur l’île du sud, ravagée par trois séismes majeurs entre septembre 2010 et juin 2011 (voir la recherche : Réparer une ville après un désastre : le cas de Christchurch).

Le lieu de culte est, encore aujourd’hui, l’un des symboles forts au sein d’une ville. Qu’il soit visitée pour ses qualités architecturales ou utilisée comme espace religieux, l’édifice représente ce lien avec le passé mais également l’expression d’une spiritualité, quelle qu’elle soit. Pour cette raison, la destruction partielle de la cathédrale anglicane de Christchurch fut un événement choquant pour la population. Il s’agit de la suppression d’un symbole culturel, d’une entité immatérielle représentant bien plus qu’un ordre religieux.

Durant le séisme ayant touché Christchurch et ses environs le 22 février 2011 en début d’après-midi, l’aiguille de l’édifice et sa cloche s’effondrèrent. Les dommages causés au bâtiment devinrent une illustration du désastre ayant atteint Christchurch. En 2012, il est décidé que l’édifice meurtri devra être complètement détruit (ce qui n’arriva pas) puis reconstruit au même emplacement. La même année, il est décidé qu’un projet de bâtisse temporaire à destination de la congrégation anglicane soit construit pour assurer la transition entre les deux édifices situés au square. Doté d’une capacité d’accueil pouvant aller jusqu’à 700 personnes, le projet devra être peu coûteux et rapide à mettre en place. Il se tiendra sur le site de l’église St John, détruite après les séismes. Craig Dixon, alors porte-parole du projet, s’intéressa au travail de l’architecte japonais Shigeru Ban via une revue trois mois après le séisme du 22 février 2011. Ayant déjà travaillé sur ce type de situation post-désastre à Haïti et au Japon notamment, Shigeru Ban acceptera de relever le défi à la fois technique et économique qui lui sera présenté. Avec l’aide du laboratoire Gengo Matsui de l’université Waseda, l’architecte décidera d’utiliser du papier comme matériau principal de construction en vue de produire un projet recyclable mais également peu coûteux. Il en résulte une structure composée de 98 tubes de carton de 60 centimètres de diamètre pour une longueur allant de 17 à 22 mètres. Le tout est supporté par des poutres en bois et protégé par un toit translucide en polycarbonate.

Après de nombreux retards causés par les délais d’obtentions des permis de construire ainsi que la récolte des fonds nécessaires au financement du projet, l’édifice fut inauguré le 15 août 2013 soit un peu plus d’un an après que la commande fut passée. Le coût final s’élève à 6 millions de NDZ. Le projet se veut comme le symbole d’un espoir pour la ville de Christchurch, exprimé par cette vague de colonnes pointant vers le ciel.

La réalisation de Shigeru Ban a trouvé sa place en étant utilisée par la congrégation anglicane mais également comme salle de spectacle ou de conférence. La renommée de son architecte permet d’attirer de nombreux touristes qui viennent admirer cette interprétation résolument moderne de l’œuvre architecturale. Margé tout, les personnes que j’ai pu rencontrer sont plus prompts à parler du futur de l’édifice endommagé, dont on ne sait pas ce qu’il adviendra, que du projet de Shigeru Ban censé symboliser la ville de transition et la renaissance de Christchurch.

Une question se pose alors : au final, la Cardboard cathedral n’est-elle pas une réponse adéquate aux besoins de la ville de Christchurch en matière d’édifice ? Ce projet ne se contente pas seulement de reconstruire quelque chose, il vient réparer les restes de l’édifice originel en conservant les mêmes proportions tout en y apportant une touche contemporaine et en utilisant des matériaux peu chers, liés à la situation économique de la ville au moment de sa construction. La succession de tubes en cartons ainsi que la forme généralement n’est pas sans rappeler les maisons de réunions traditionnelles maories, intégrant ainsi la culture locale à son ouvrage. L’architecte a su combiner son savoir-faire technique avec l’histoire de la ville, sa situation d’après désastre et son identité pour livrer un bâtiment à l’image de sa population.

A mes yeux, la Cardboard cathedral représente bien plus l’identité de Christchurch que l’architecture qualifiée de, je cite là l’une de mes collègues de travail de l’époque, « more British than the British themselves » dont était composée la ville avant les séismes.

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